L'HISTOIRE DE LA RUCHE DES PATRIOTES

LES SOURCES

Beaucoup de documents anciens d'une grande valeur, pour nous Francs Maçons, puisqu'ils représentent toute notre histoire, sont restés la propriété, de quelques familles.Ils ont très souvent été égarés et, pour faire cet historique, il nous a fallu nous contenter de ce qu'ont pu sauver, pendant l'occupation Nazie, les quelques Frères restés libres: livre des Inscriptions, livre de la Constitution de la Société Civile Immobilière. Les procès verbaux des tenues ont été détruits. Quelques documents poussiéreux subsistent dans les archives de la rue Cadet à Paris. Ils ont été précieux. Les tableaux de Loges, une planche écrite et éditée,oeuvre de notre Frère DERUAS, receveur de l'Enregistrement de Verteillac, intitulée "Le Cléricalisme" figurent au Fonds Maçonnique de la Bibliothèque Nationale. Ils peuvent y être consultés avec l'autorisation de notre Obédience. Des informations objectives provenant des mêmes sources, ont été relevées dans un livre intitulé : La séparation de l'Eglise et de l'Etat de l'abbé Pierre POMAREDE. D'autres renseignements ont été puisés dans l'ouvrage de Guy PENAUD sur Périgueux. Quelques rectifications ont pu être apportées, fournies par différents amis que nous ne pouvons citer. C'est notre règle.

1885

En 1885, la France n'est pas encore remise de la défaite qu'elle a subi en 1870. La troisième République fut fondée le quatre Septembre 1870 par des électeurs, qui, dégoutés de l'Empire n'étaient pas forcément acquis aux idées républicaines. Si, en 1869, des élections avaient laissé entrevoir un fort courant démocratique, ce courant n'était pas majoritaire, en face d'une masse réactionnaire, extrêmement divisée : bonapartistes bien nantis par NAPOLEON III dont ils sont le seul soutien inconditionnel - Légitimistes, loin d'avoir oublié 1815 et qui n'ont jamais pensé qu'ils ne reprendraient pas, un jour, le pouvoir- Orléanistes, fraction royaliste modérée mais très agissante, attachés à une monarchie constitutionnelle. Ce sont ces derniers qui en définitive, pour le moment, représentent le mieux l'opinion majoritaire française. Peut- être la France des grandes villes est-elle républicaine, mais le pays, la masse paysanne du pays, est encore royaliste-modéré. En tous cas, tout l'électorat, républicains compris, est profondément conservateur, au point que Thiers pourra encore dire en 1872 "La République sera conservatrice ou ne sera pas" L'intransigeance du manifeste du Comte de Chambord fait cependant que les Orléanistes, bien que monarchistes convaincus,  ne peuvent accepter un régime réactionnaire qui les ramènerait à plus de cent ans en arrière. Pas question, pour eux, d'accepter le drapeau blanc. Alors, avec une arrière pensée, à peine dissimulée, ils prefereront se rallier à cette République, fragile et surtout si peu républicaine à leurs yeux. Avant toute chose, les Français veulent la paix et la veulent tout de suite. Depuis VALMY, ils ont plus souvent connu la guerre que la paix. Ils voudraient aussi un régime  stable. République, Consulat, Empire, Royauté, Empire, Royauté, Empire.Pourquoi pas, enfin, une République?. Et, ce sera, la République. Qui pour avoir été construite pour être provisoire, deviendra le le régime démocratique que les Français souhaitaient depuis longtemps, sans même oser l'espérer. Ce fut aussi le plus long depuis 1789, puisqu'il dura 70 ans, de 1870 à 1940. Il fallut la trahison et la défaite pour qu'il cède pendant quatre années la place aux factieux de Vichy.

LA TROISIEME REPUBLIQUE

Après les déportations et les exécutions qui suivirent la Commune, s'installa une République modérée dont les dirigeants sont séparés en deux camps. Ceux qu i veulent la paix tout de suite tels: FAVRE, GREVY, Jules SIMON, ceux qui la veulent aussi, mais pas à n'importe quel prix comme GAMBETTA. Il n'y a plus de Communards, maisl'esprit de la Commune n'est pas mort, le sang n'a pas été versé pour rien, surtout dans les grandes villes, car la campagne n'a pas bougé. Les électeurs demandent immédiatement des lois républicaines. C'est, un peu, une réaction de légitime défense des laïcs, nombreux même chez les bourgeois, contre l'emprise dogmatique de la religion catholique dont les tenant sont restés fidèles aux rois. Des lois sociales, des réformes constitutionnelles, des réformes de l'enseignement, des lois sur la liberté de la presse, sur l'égalité civile, sur les droits de l'homme. Toutes revendications légitimes que rien ne différencie de l'idéal maçonnique. Les Francs Maçons sont à l'origine de la troisième République. Le gouvernement de 1871, sur douze membres, en compte sept. Parmi eux: Adolphe CREMIEUX, Camille PELLETAN, tout près d'eux ARAGO, LITTRE, FERRY, des vrais républicains. Un peu plus tard JONARD, Gouverneur de l'Algérie, dira d'eux: "Républicains modérés mais pas modérément républicains". Certes ces républicains sont modérés: Ce sont tous des nantis. On est député non pour le traitement et les avantages mais surtout pour l'honneur. La III° République a été surnommée "La République des Avocats". Tous ces honorables parlementaires veulent des réformes mais ne sont pas trop pressés de les voir appliquer. C'est en 1881 qu'intervient le vote sur l'école laïque obligatoire. En 1882, après la mort de GAMBETTA, FERRY essaie d'arracher aux congrégations religieuses l'enseignement de la jeunesse. En 1884, le 21 Mars, Waldeck ROUSSEAU fait passer une loi sur les syndicats. Jules FERRY demande que l'on supprime les sénateurs inamovibles, véritables potiches qui entravent tout progrès. Il demande et obtient la modification de leur système d'élection. C'est un véritable bouleversement.

A RIBERAC, SOUS PREFECTURE

 C'est dans ce climat, dans cet environnement, que les Francs Maçons de la Dordogne vont décider de créer la Loge "La Ruche des Patriotes" à l'Orient de Ribérac. Ils sont acquis aux idées nouvelles, épris de justice, de liberté, de démocratie, ils désirent que les jeunes générations puissent avoir le droit au travail dans la liberté, le droit de réunion, le droit de grève, que dans le monde un peu plus de justice existe, que l'esclavage soit aboli. Ces Francs Maçons veulent imposer leurs idées dans un département toujours dominé par les seigneurs réaction-naires et le clergé tout puissant. Plus que contre les seigneurs c'est contre un clergé aussi borné que virulent qu'ils auront à lutter. Jamais ils ne faibliront. Si quelques images, montées en épingle, nous les font apparaître excessifs,nous sommes bien obligés d'admettre que c'était pour eux une nécessité absolue. Il fallait sauver leur existence garante de la survie de la République. Anticléricaux : ils ont été obligés de l'être. A cause de l'action de l'église Catholique, son intransigeance, son dogmatisme, son intolérance et sa mauvaise foi. Du temps a passé, les Francs Maçons de Ribérac sont devenus plus tolérants, bien que l'église n'ait en rien modifié sa position si elle a diminué, du moins en apparence, son agressivité. Les Francs Maçons sont toujours restés profondément Laïques, convaincus que la laïcité est l'expression de la Tolérance. Lors des initiations, un serment de laïcité,demandé par le Grand Orient de France est toujours prêté devant des Frères attentifs et vigilants dans leur convictions.

LA FRANC MAÇONNERIE EN dORDOGNE

La Franc Maçonnerie venait d'échapper à la tutelle pesante des bonapartistes. Elle était éprise de Liberté. "Un maçon libre dans une Loge libre" est une de nos très chères devises. Le Grand Orient de France dès 1877 a supprimé de ses rituels toute obligation de croyance en Dieu, principe adopté en 1840, abandonnant la Bible, et toute référence au Grand Architecte de l'Univers. Le Positivisme et le Scientisme ayant provoqué un net développement de l'athéisme. Cette prise de position fut douloureuse à certains. Pour ceux qui en ont compris la nécessité, elle a permis d'aborder des sujets enrichissants et de progresser dans l'humanisme avec une plus grande liberté, une absolue fra chise, une absence 4e dogmatisme. Elle aura malheureusement créé la rupture avec les obédiences Anglo-Saxonnes restées fidèles à des obligations par ailleurs non spécifiées dans les Landmarcks. Dans nos loges on a le droit de tout dire et le devoir de tout entendre. Autre devise qui nous est chère. Les Francs Maçons de la Dordogne, grand département par son étendue mais pauvre à l'excés, sans industrie, sans grande voie de communication, offrant peu de travail à ses habitants, ont été, peut-être plus que d'autres, sensibles à l'appel d'un combat, contre l'obscurantisme et la misère, dont ils connaissaient les tristes effets. Aussi dés 1850, les Loges Maçonniques se fondent où se réveillent. En 1747 aurait été créé à l'Orient de Bergerac une Loge Maçonnique sous le titre distinctif "Loge de Bergerac". En 1756 une Loge existe à Sarlat "Saint Jean de Jérusalem". En 1761, "l'Ecossaise de la Beauté" existe à Périgueux et en 1765 "l'Anglaise de l'Amitié". En 1766 se créé à Bergerac "La Fidélité". En 1781 "Les Frères Amis à Sarlat", "le Point de Réunion" à Périgueux et aussi "l'Heureuse Rencontre" se sont créés. En 1782 c'est à Sarlat qu'est ouverte "la Parfaite Harmonie" et en 1785 que se fonde à l'Orient de Montignac "La Vraie Humanité". En 1786 à la fois à  Bergerac et à Périgueux se créent deux loges sous le titredistinctif de "l'Harmonie" qui dureront jusqu'en 1789. Fondée en 1788 et durant un an, à Thiviers, "la Parfaite Union". De 1802 1810 à Périgueux siège "l'Anglaise de l'Amitié" et de 1814 à 1822 "les Amis d'Henri IV". De 1819 à 1821 au Bugue existe "la Parfaite Union" et en 1825 à Monpazier Le Sanctuaire de la Vérité". En 1831 se fonde à l'Orient de Périgueux "Les amis Perse crée la Loge "Les Vrais Frères" et c'est en 1855 qu'à Périgueux est fondée une nouvelle Loge "l'Etoile de Vésone". Les Amis Persévérants et l'Etoile de Vésone toutes deux de l'Orient de Périgueux s'unissent en 1857 et durent encore aujourd'hui sous le titre de "Les Amis Persévérants et l'Etoile de Vésone Réunis ". A Eymet de 1863 à 1872 existera "l'Union Fraternelle". A Mussidan de 1866 à 1886 ce sera l'Union Sincère et de 1869 à 1884 à Nontron "l'Avenir de Nontron". De 1871 à 1885 existera à Terrasson la Loge l'Espérance. C'est seulement en 1885 que sera créée à l'Orient de Ribérac "La Ruche Des Patriotes". La Loge de Mussidan sera absorbée par l'Oriént de Montpon sous le même titre distinctif: A Sarlat en 1900 sera créée la Loge "Vers La Justice" à Bergerac "La Démocratie Bergeracoise" fondée en 1903 deviendra en 1912 "Amitié et Fidélité". A Nontron existera de 1904 à 1921 "La Solidarité Nontronaise".

UNE LOGE A L'ORIENT DE RIBERAC

Il aura donc fallu attendre 138 ans pour qu'un Atelier fonctionne à Ribérac alors qu'il semble que l'ensemble de la Dordogne n'ait pas, à priori, semblé hostile au mouvement maçonnique. La création est due à l'amitié et à la fraternité d'une aînée: La respectable Loge "Les Amis Persévérants et ►'Etoile de Vésone Réunis" qui à l'époquecomptait 170 membres. Son vénérable, qui  tiendra le premier maillet pendant près de 20 ans était Dominique JOUGLA dans le profane imprimeur et directeur du journal "L'AVENIR DE LA DORDOGNE" Il pensaitqu'une Loge, à Ribérac élargirait encore l'audience, de la Franc Maçonnerie dans le Département et en conséquence il encouragea les Frères de son Atelier à essaimer. C'est un Frère, résidant à Ribérac où il exerçait la profession de Receveur des Finances, Eugène BRULE, qui demanda au Grand Orient de France à Paris une patente pour ouvrir une Loge à Ribérac, faisant valoir la situation géographique de cette sous- Préfecture noeud réel de communications entre Angoulème, Périgueux, Libourne et Limoges. Notre Frère BRULE, visiteur Aux Amis Persévérants était membre de la respectable loge "La Lumière" à l'Orient de Neuilly sur Seine. Cette demande de création, conservée dans nos archives, constitue la première pièce authentique concernant La Ruche Des Patriotes. La planche, soigneusement caligraphiée, comme on savait le faire à l'époque, a été établie sur un papier à en-tête du Ministère des Finances. Elle était adressée au Très Illustre Frère CHOTARD, alors membre du Conseil de l'Ordre qui dans la vie profane était directeur du Bureau de
Bienfaisance de la Mairie du 14e arrondissement de Paris. Cette planche, fort émouvante, concrétise les quatre années de démarches de notre Frère BRULE. Il y expose toutes les difficultés qu'il a pu rencontrer pour réunir un nombre suffisant de Frères. Malgré des opinions profondément laîques et républicaines le climat était tel que beaucoup hésitaient à se dévoiler dans la petite ville qu'était alors Ribér ac. L'abbé POMAREDE écrit, "Il a eu bien de la peine à les décider à braver les foudres de l'Eglise":

LE COMBAT LAÏQUE DANS LA CAPITALE DE LA DOUBLE

Si en France, à cette époque, le clergé est puissant, à Ribérac, il est tout puissant. Ayant gardé de la Révolution de 1789 un cuisant souvenir il n'en a que davantage apprécié les faveurs dont les princes l'ont comblé à la Restauration. Il a aussi bénéficié d'autres avantages lors du Concordat et s'il eut peur de la Commune il n'a néanmoins rien perdu. En 1885 il est intouchable. C'est cependant à lui que vont s'attaquer sans relache les Francs Maçons. C'est leur devoir. Ribérac est encore une sous- Préfecture. A l'origine la ville s'est développée autour d'un chateau fortifié, aux environs de 848. Il avait pour but d'interdire le passage de la Dronne aux envahisseurs Normands. Des ruines ont subsisté jusqu'au dix neuvième siècle à l'angle de la rue Notre Dame et de la rue du Four. Lieu de résidence, après la Révolution, de riches bourgeois ayant acquis à bon marché des biens nationaux qui, malgré la législation révolutionnaire n'avaient pu être acquis par les paysans auxquels ils auraient dû revenir, parce que vendus en très grandes parcelles. Les propriétaires font exploiter les terres par des métayers. La vie était très dure dans le Ribéracois. Il n'est pour s'en convaincre que de lire les oeuvres de notre Frère Eugène LE ROY, initié 'à la Loge de Périgueux en 1877. Le métayer a bien du mal à vivre avec ce qu'il peut faire produire à la terre. Il doit payer, au maître, des redevances exorbitantes, ou partir. Il ne peut, très souvent, même pas amender les sols, qui s'épuisent à force d'être sollicités. La vigne, longtemps prospère, tombe vers 1900, de 1450 hectares cultivésà 360 hectares, à cause du phylloxéra. La Double est la partie la plus pauvre duRibéracois. En 1857 elle a 32 habitants au kilomètre carré pour 54, en moyenne, en Dordogn e et 65 en France. C'est de l'avis des contemporain un pays triste et misérable qui ne sera assaini par le drainage des ruisseaux, le dessèchement des étangs, la plantation de pins et la création de routes qu'après 1900. Le pays est si sauvage, qu'en 1821 des gens y furent encore attaqués par les loups. On y récolte quelques pommes de terre, un peu de blé et on y boit de la piquette en guise de vin. On donne tellement au propriétaire que l'on mange rarement à sa faim. Les gens sont, bien entendu, pauvrement vêtus et ils vivent dans des chaumières délabrées. Le lait, on ne peut le conserver, il est pour le veau. Le produit de la vente sera le seul argent dont disposera le métayer. Sur un rapport des archives, établi en 1821, on peut lire que la ville de Ribérac compte 2928 habitants. Il existe des fabriques mais employant au plus trois ou quatre ouvriers: 4 clouteries, 4 selleries, 3 fabriques d'huile de noix, 3 fabriques de chandelles. Rares sont les possibilités d'embauche pour un paysan qui voudrait abandonner la terre. La pays est maintenu, volontairement dans la misère. A Ribérac le premier Conseil Municipal n'a été élu que par 50 électeurs. Inutile de dire quels sont ceux qui possèdent le droit de vote. L'église est au service des riches, elle enseigne qu'il faut savoir se contenter de son sort et promet, ce qui ne coute rien, une récompense "au ciel". Elle surveille son. Ainsi à Ribérac : 60 hommes, 50 jeunes gens, 300 femmes autant de jeunesfilles font Pâques. Tous sont comptés, et décomptés, inutile  de rien attendre si on ne fait pas partie des bien pensants. On ne parle pas le français mais le patois, et l'analphabétisme règne. On paye le pain, lorsqu'on peut payer, en présentant une planche écornée que l'on compare avec celle du boulanger. Nombreuses sont les superstitions. Le 31 décembre on doit jeter un morceau de pain dans le puits pour avoir des oeufs toute l'année, il ne faut pas faire cadeau d'un animal sans recevoir une pièce de monnaie, il ne faut pas nettoyer les écuries le vendredi, il ne faut pas ramasser de champignons avant la Saint Jean )sous peine de perdre son argent) il ne fa ut pas se marier en novembre,parce que cela porte malheur... C'est dans ce pays que va se fonder la Loge.

EUGENE BRULE, LE FONDATEUR

En 1885, Ribérac n'a pas beaucoup évolué malgré une petite usine qui est créée au CHALARD, elle fabrique du feutre destiné à lisser le papier produit à Angoulême. Le chemin de fer passe depuis de 19 Décembre 1881. De Périgueux )37kms) à Ribérac, il faut une heure et demie. Il y a trois trains par jour dans les deux sens. Tout progrès ne peut venir que de Périgueux, la grande ville, desservie par le chemin de fer dès 1857, et dont les ateliers, au Toulon, ont apporté du travail et une certaine aisance. L'automobile, ne sera fabriquée en petite série qu'à partir de 1910 et elle sera encore à cette époque réservée à quelques rares privilégiés. Il ne reste, pour voyager, que le cheval. On mesure le mérite de nos Frères pour assister aux tenues à Ribérac le vendredi soir. Il leur fallait être partis deux jours, coucher et manger à l'auberge. Qui ferait cela, maintenant, alors qu'il nous arrive de manquer sous des prétextes futiles? Créer une Loge cela voulait aussi dire qu'il fallait des hommes ayant du temps libre, quelques moyens financiers et une certaine instruction. Les premiers Francs Maçons de l'Orient de Ribérac ne pouvaient donc être que quelques fonctionnaires, artisans, et commerçants, animés d'un esprit de liberté et de laïcité, qui voulaient pour que la société s'améliore et ainsi que le dit notre rituel "Répendre hors du Temple les vérités acquises'' Il était nécessaire de situer le contexte dans lequel il vivait pour apprécier le courage dont fit preuve notre fondateur: LeFrère Eugène BRULE.

aURELIEN BRUGERE, A TITRE PROVISOIRE

Si les lettres de constitutions de notre atelier furent signées le 9 Mars 1885, la Loge ne fut installée que le 26 avril de la même
année. Elle a siégé, de ce jour à aujourd'hui sans autre interruption que de 1940 à 1947. Le 15 Février 1885, le Frère Aurélien BRUGERE,
député et conseiller municipal de Montpon où il résidait, avait prêté serment et accepté d'être le premier vénérable, à titre provisoire. Le Frère BRUGERE, né en 1841, était Maître depuis le 18 Juin 1881, il faisait partie de la Respectable Loge "l'Union Sincère" à l'Orient de Mussidan. Il sera installé à l'Orient de Ribérac par les Frères PAYADOU, GADAUD et CELLER, respectivement: Vénérable-Premier et Deuxième Surveillants, de l'Orient de Périgueux, qui en détenaient le pouvoir. Le Sceau qui lui fut remis portait le numéro: 65.932. Lors de l'installation le Vénérable Maître Aurélien BRUGERE fut assisté dans son office par Adolphe CROS PUYMARTIN, architecte à Périgueux, membre de la Respectable Loge "l'Avenir de Nontron"(Premier Surveillant(, Henri LAMON, rentier, habitant Ribérac, membre de l'Orient de Caracas (2ème Surveillant(, Louis François LADEVI ROCHE, médecin, demeurant à Saint Germain duSalembre, membre de la respectable Loge"Les Amis Persévérants et l'Etoile de Vésone Réunis à l'Orient de Périgueux ( Orateur), Jean PARCELLIER, agent voyer, demeurant à Ribérac, de l'Orient de Mussidan (Secrétaire(, Eugène BRULE, receveur des finances à Ribérac, membre de la respectable Loge "La Lumière" de l'Orient de Neuilly sur Seine, Chevalier rose +croix 18° degre, du grand collège des Rites,( Trésorier(, Désiré BASTIN, entrepreneur de Maçonnerie, habitant Ribérac, membre de la resRectable Loge "La Parfaite Harmonie à l'Orient de Sarlat,(Hospitalier), André AURILLAC, médecin, habitant Ribérac, membre à l'Orient de Rochefort de la respectable Loge "l'Accord Parfait", (Grand Expert(. Constituée régulièrement, mais à titre provisoire, la Loge décide de tenir ses tenues le ter et 3ème vendredi de chaque mois. Ellesiège rue Notre Dame.

IL Y A PLUS D'UN SIECLE, LA RUCHE DES PATRIOTES

Le 17 Mai 1885, la composition de la Loge est définitive, le plateau de Vénérable est confié au Frère Eugène BRULE qui l'avait bien mérité et qui sera assisté des Frères :
• Désiré BASTIN, Premier Surveillant
• Alcide DUMAS, Minotier, habitant Bressol à l'Orient de Périgueux, Deuxième Surveillant
• Louis François LADEVI ROCHE, Orateur
• Louis SUDRIE, Employé au chemin de fer, habitant Ribérac, de l'Orient de Périgueux, Secrétaire
• André AURILLAC, Grand Expert
• Joseph DEBORDE, Notaire, habitant Ribérac, de l'Orient de Périgueux, Hospitalier. 

Les autres membres fondateurs de la Loge sont les suivants :
• Prosper SIMON, Médecin, de l'Orient de Périgueux
• Joseph REBEYROL, Professeur, de l'Orient de Périgueux
• Etienne LAGARDE, Professeur, de l'Orient de Périgueux
• Edmond COULOMBEIX. Conducteur des Ponts et Chaussées, de l'Orient de Périgueux
• Jules ROLDEN, Négociant, de l'Orient de Périgueux
• Alfred BLOYS, Instituteur, de l'Orient de Périgueux
• Ange ROSSI, Chef de Section au Chemin de fer, de l'Orient de Brive
• Alphonse JUNXUA, Négociant, de l'Orient de Mussidan

Dix profanes recevront la Lumière durant cette première année, et l'effectif de la Loge sera de 27 membres venant de huit
 Orients différents.Il est réconfortant, en se penchant sur ce premier tableau de Loge de découvrir que le besoin associatif et de sociabilité avait touché des milieux extrêmement différents puisque dix sept professions sont représentées. on dénombre: Un député, un Maire, un Architecte, un Rentier, deux Professeurs, un Percepteur, deux Agents Voyers, quatre Employés de chemins de fer, un Entrepreneur de Maçonnerie, un Minotier, un sellier, deux Instituteurs, un Cordonnier, deux Négociants, deux Maître d'hôtel, un Maréchal Ferrant. Pour créer leur atelier quatorze Frères avaient souscrit. Les travaux qui commencent sont axés sur le respect des lois républicaines, le progrès social et, l'anticléricalisme

SOLIDARITE, LAICITE

Si on oublia, un peu le symbolisme à Ribérac, comme le reproche en fut fait quelquefois, la solidarité s'y manifesta toujours. La Franc Maçonnerie, définie comme discrète, philosophique, progressive et philantropique fut bien présente à Ribérac. Elle distribua des vivres, organisa des repas pour les plus défavorisés, collabora vigoureusement aux oeuvres laïques. Elle a toujours marqué son attachement à la République et à la laïcité. Ses réflexions ont toujours été dirigées vers l'amélioration de la vie de tous. Elle a toujours mené un combat généreux, sans cesse renouvelé, pour servir les hommes. A cette époque la radio n'existait pas et les journaux n 'avaient que peu de lecteurs. Il y avait, à Ribérac, deux journaux, tirant 350 exemplaires, l'Etoile de Ribérac et le Journal de Ribérac. Aussi, la prise de parole dans les réunions publiques qui se tenaient sous les préaux des écoles ou dans les banquets républicains avait toujours un certain retentissement. Et là nos Frères furent particulièrement efficaces. La séparation de l'église et de l'Etat étaitdepuis 1880 au programme du Parti Radical, dont beaucoup de nos Frères étaient membres. En 1881, Jules FERRY avait déjà inspiréune loi sur la presse et en 1884NAQUET fait voter une loi rétablissant le divorce, supprimé depuis la restauration.Le Grand Orient de France pèsera de tout son poids pour l'adoption de ces lois. Mais Rome accuse le coup qu'elles portent au catholicisme. En 1884, le Pape Leon XIII, dans une bulle intitulée HUMANUM GENIS condamne à nouveau l'ensemble de la Franc maçonnerie. L'église sortait, ainsi des limites assignées par le Corcordat. Elle allait jusqu'à interdire aux catholiques non seulement la fréquentation des Loges mais aussi tout rapport avec les Francs Maçons, punissant ceux qui faisaient fi de ses ordonnances, de refus de sacrements. La Franc Maçonnerie adopte alors une attitude anticléricale qui devient vite antireligieuse. Cefut le cas à Ribérac, comme à Périgueux

 

OÙ IL EST QUESTION DE CONSTRUIRE UN TEMPLE

En 1885, année de sa fondation, la Ruche des Patriotes envoya à Paris, pour la représenter aux funérailles de Victor HUGO son Orateur le Frère LADEVI ROCHE. En 1886, la Loge enrichie de nouveaux maillons, est à l'étroit dans son Temple, elle demande au Conseil de l'Ordre l'autorisation d'acheter un terrain où elle puisse faire édifier un nouvel atelier. Ce terrain a été trouvé, il est situé rue du Palais. Pour l'acquérir, la loge devra émettre des actions qui seront proposées aux autres Loges de l'obédience, en souscription. En 1887, les Frères de l'atelier décident d'adopter, lors de leurs réunions, une tenue sombre. Ils votent une résolution qui frappe les Maçons, absents sans motif reconnu valable d'une amende de 0,25 Frs. Il est également recommandé aux Frères enquêteurs de remettre leurs rapports dans un délais n'excédant pas un mois. Les frais relatifs aux initiations, augmentations de salaire au grade de Compagnon et Maître sont fixés respectivement à 50, 20 et 30 Centimes. Le Frère GADAUD, Conseiller Général, Maire de Périgueux est admis Membre Honoraire. Une planche est adressée au Conseil de l'Ordre pour signaler qu'à Ribérac "Les idées de progrès, de tolérance et de liberté sont encore sous l'éteignoir des cléricaux" En 1888, la Loge compte alors 45 membres, ce sera à ce jour, son effectif le plus fort. Les Maçons de Ribérac sont inquiets de l'action du Général BOULANGER qui a réussi à obtenir à l'élection partielle de la Dordogne 59 397 voix contre 35 745 au Maire de Sarlat, conseiller républicain. En 1889, BOULANGER est défait aux élections cantonnales de Juillet, il a obtenu 2910 voix contre 3001 à notre Frère Antoine GADAUD. Le Frère LADEVI ROCHE adresse une protestation au Conseil de l'Ordre contre une circulaire du Ministère de la Justice qui interdit aux officiers de l'armée de terre une participation aux sociétés non autorisées par l'Etat. Cette année là, sera érigée aux Quatre Chemins, sur ordre de Georges SAUMANDE, alors Maire de Përigueux, une statue de la République tenant en main un rameau d'acacia et un niveau. Cette statue est érigée sur une colonne de bronze à " la fontaine des quatre lions". Les emblèmes maçonniques révélés au grand public montrent à quel point la Franc-Maçonnerie est implantée et devenue puissante dans cette ville. C'est également en 1889 que la fête du travail sera fixée au ler Mai. En 1890, l'effectif de la Loge est tombé à39 membres. La Loge est l'objet d'attaques constantes de la part des cléricaux et Le Journal de Ribérac se fait lé porte parole d'un certain Ego, pseudonyme d'un curé du voisinage, qui se répend en articles calomnieux. En 1892, notre Frère DERUAS fait éditer une planche sur le "Cléricalisme" où il dit que 40 000 chaires, 100 000 confessionnaux et l'éducation au couvent rendent les femmes esclaves et attentent à la liberté du citoyen. Il demande la dénonciation du Concordat. Cet opuscule figure dans les archivesdu Fonds Maçonnique à la b ibliothèque Nationale. Chaque Franc Maçon est invité à payer une taxe de 50 centimes qui sera utilisée pour la défense des idées républicaines.

La construction du temple est achevée le 19 novembre 1893, inauguré le 22 décembre de la même année.

ON INAUGURE

En 1893, La Ruche des Patriotes crée une Société Civile Immobilière pour la construction d'un Temple sur le terrain acquis en 1886. Le Conseil d'Administration de cette société est composée des Frères LONGAUD, SUDRIE, DESSOUDEIX, AUBERT, RIBEYROL et CHAUMETTE. La constitution est officialisée par des actes notariés passés devant Maître PRADEL, Notaire à Ribérac les 13, 15 et 16 Mars. La construction est confiée aux Frères AUBERT et RIBEYROL, entrepreneurs qui doivent l'exécuter pour la somme de 8 500 F. et le livrer pour le ler Octobre. En Juin il s'avère que le montant des travaux atteindra 14 000 F. Il faut emprunter 5 000 F. par hypothèques. Terminé le 19 Novembre, le Temple construit par le Frère RIBEYROL Léonard aidé de son fils, lui aussi Franc Maçon, sera inauguré le 22 Décembre. L'inauguration est faite par le Très Illustre Frère CORBIERE, Sous-Préfet de Bergerac, en présence des Frères du Grand Orient de France des Loges d'Angoulème, Bergerac, Bordeaux, Libourne, Montpon, Périgueux, de la Grande Loge de France, Orient de Périgueux. Sont présents les 33èmes : MOLLO de l'Orient de Castillon et GASSIER de l'Orient de Paris. Au cours de cette émouvante cérémonie un profane sera initié et un Frère de l'Orient de Nontron sera affilié. Les travaux se termineront par un banquet d'ordre. Cette année l'éffectif de la Loge est de 36 membres. 1894 ,année où débutera l'affaire DREYFUS est aussi celle où le 20 Juin, le Pape Léon III lancera son Encyclique "Praeclarae Gratulations" dans laquelle on peut lire "Que le peuple chrétien comprenne enfin qu'il faut en finir avec cette secte et secouer une bonne fois son joug deshonorant". La capitation est alors de 4 F. 50.

PRIERE POUR LES POURCEAUX

En 1895, la Loge de Montpon s'étant mise en sommeil son mobilier est donné à la Loge de Ribérac. C'est cette année qu'une prière sera dite dans toutes les églises catholiques de France pour obtenir la conversion des Francs Maçons. En 1897, la prière étant restée sans effet,
 l'effectif de la Loge est de 42 membres. Aucours des obsèques de notre Frère Antoine GADAUD qui avait obtenu l'appartenance aux Loges de Ribérac et de Périgueux, auront lieu de regrettables manifestations d'intolérance dans la cathédrale Saint Front à Périgueux.
En 1899, le Vénérable de la Ruche des Patriotes, le Frère SUREAU écrit au Conseil de l'Ordre que "La France de Voltaire et de la Révolution doit demeurer généreuse et fière et ne pas devenir un troupeau fanatique de moines serviteurs de Rome". En 1900, le Sous-Préfet de Ribérac MEIGNAN est dénoncé par la Loge au Conseil de l'Ordre comme étant un parfait clérical. En 1902, la République s'est radicalisée, mais elle est aussi plus libérale. Beaucoup d'hommes politiques ont été, à l'instar de FERRY, formés ou influencés par les Loges Maçonniques. A un moment où les partis politiques n'étaient pas structurés, la Maçonnerie y supplée. Ecole de pensée et de tolérance, son rôle a été très important. Le Ministère COMBES saura avec fermeté maintenir les acquis de ses prédécesseurs. Anticlérical, antiromain, il n'est pas antireligieux, mais profondément laïc. La Loge de Ribérac examinera le projet d'ouvrir unechargée d'organiser, dans chaque ville un Comité de Vigilance pour surveiller l'avancement des fonctionnaires et les militaires réactionnaires. 1903, le 28 Août l'archiprêtre de Ribérac traitera, en chaire, les Francs Maçons de "pourceaux". Le Vénérable de laLoge SUREAU adressera à COMBES une lettrede félicitations, et le 13 Septembre un Frère de la loge sera radié, accusé d'avoir commis un délit maçonnique, prévu à l'article275 du règlement général, en envoyant ses filles à l'école confessionnelle malgré son serment de laïcité. La Loge enverra un délégué au Congrès du Parti Radical. Un groupe de la Libre Pensée sera fondé. A la fin de l'année, elle organisera une fête de bienfaisance. En 1904, le 17 Mai, à l'instigation des Francs Maçons, trois cents citoyens de Ribérac demanderont la séparation de l'Eglise et de l'Etat et la laïcisation complète de la République. Le 17 Décembre la Loge demandera au Conseil de l'Ordre, qu'une action soit entreprise pour faire cesser les diffamations dont sont l'objet les Frères de Ribérac. En 1912, le Vénérable MAZEAU demande au Conseil de l'Ordre que les lois votées relatives à la location de presbytères soient respectées et que les curés se soumettent enfin aux lois, ce qui ne semble pas être le cas à Ribérac. Pendant la guerre 1914 - 1918 la Loge devient un hôpital militaire, les Francs Maçons l'ayant mise à la disposition du gouvernement. L'histoire de la Ruche des Patriotes s'interrompt à cette date, faute de document se rapportant à la période qui suit. Nous est seulement parvenue la réaction des Frères de l'Atelier à deux grandes affaires: Le procès des anarchistes américains SACCO et VANZETTI et le scandale STAWISKY. Dans une lettre au Grand Orient du 17 Avril 1934, ils réclament les noms de tous les Frères compromis, et veulent connaître les sanctions prises à leur égard. Enfin, c'est en 1926 que Ribérac cessera d'être une Sous-Préfecture

LA GUERRE DE 1939-1945

La déclaration de guerre a, bien entendu, entraîné des perturbations dans les activités de "La Ruche des Patriotes", mais la défaite et l'armistice de 1940 devaient ouvrir une période des plus sombres, comme partout ailleurs. En Juin 1940, le local est mis à la disposition des réfugiés Alsaciens, dépouillés de tout, auxquels les Maçons offrent leur toit. La grande salle devient dortoir collectif. Les archives sont mises à l'abri chez une Frère: Ribérac est en zone libre, leur détention n'est pas encore dangereuse. Peu à peu on s'organise; les réfugiés sont relogés çà et là; les locaux sont alors réquisitionnés pour une  nouvelle destination; aurez de chaussée, le collège installe une salle de gymnastique, le Temple devient un foyer pour les soldats du 26^ RI vestige de l'armée dissoute, dans le cadre de l'armée de l'armistice autorisée par le vainqueur. Il faut faire le vide et tous les meubles et décors disparaissent, à l'initiative du maire installé par Vichy, pour une destination inconnue. Pendant deux ans et demi les locaux, soumis à
rude épreuve, seront transformés et aménagés au grè des occupants. Au matin du 9 Novembre 1942, venant de la zone occupée (la frontière passe à Vanxains), les troupes allemandes défilent dans Ribérac et envahissent la zone libre: à Toulon la flotte française se saborde, déjà le gou ernement de Vichy a entrepris l'épuration que l'on sait. Les Juifs et les Francs Maçons, rendus responsables de la défaitesont traqués. A Ribérac, des Frères ont étédéfinitivement dépossédés de leurs locaux. Par mesure de prudence, Fernand PICHARDIE,Officier F ranc Maçon qui vient d'être dégagé des cadres, conserve les archives à son domicile, dans le registre matricule il ne reste que la trace des Frères décédés, les autres pages sont arrachées. C'est l'époque des démissions d'office ou des mesures vexatoires; mais aussi des déportations. C'est aussi à cette époque que la Loge va mériter pleinement son nom "La Ruche des Patriotes". En effet c'est à l'initiative des Francs Maçons que les résistances s'organisent dans le Ribéracois : réceptions de parachutages et stockage d'armes d'abord, créationd'un groupe de maquisards ensuite. Le Commandant PICHARDIE, cité plus haut, qui a terminé la guerre et sa carrière en Syrie après avoir traîné son Cordon de maître dans pas mal de garnisons, prend la tête du groupe "BUGEAUD" entouré de quelques Frères de "La Ruche des Patriotes". Il affirmera, dans la lutte armée, la volonté des Maçons de maintenir envers et contre tous leur idéal de liberté. Pendant plus d'un an, dans les forêts de la Double, nos Frères s'attachent à organiser la Résistance; les accrochages sont nombreux, le groupe a la chance de ne pas compter de morts. Les combats se terminent par la bataille de Saint Astier. La Résistance y fait soixante sept prisonniers allemands que le groupe BUGEAUD encadre en défilant dans Périgueux libéré. Cependant les Francs Maçons de Ribérac
pleurent l'un de leur déporté de la Résistance PINASSEAU, Professeur à l'école primaire supérieure. Une rue de Ribérac porte
aujourd'hui son nom.Le 13 août 1940, à peine un mois après la formation du gouvernement Pétain, une première « loi maçonnicide » porte interdiction des sociétés secrètes imposant à toute personne intégrant l’administration de déclarer sa non appartenance à la franc-maçonnerie. Toute déclaration mensongère est considérée comme un délit pouvant entraîner pour son auteur une mesure d’internement administratif en résidence surveillée ou une peine de prison allant d’un mois à deux ans, ainsi qu’une amende de deux cents à vingt mille francs.Le décret du 19 août 1940 constate la nullité de la Grande Loge de France et du Grand Orient de France.

LA LIBERATION

C'est le moment de faire le point. Avecla Libération, l'heure du repos n'est pas arrivée. Les anciens essaient de reconstituer la Loge. Tout est à refaire. Au Janvier 1939, ils étaient trente Maçons actifs: combien vont répondre à l'appel? Bien sûr, autour de F. PICHARDIE, un petit groupe, composé surtout d'anciens résistants, s'est reconstitué. Mais  certains, persécutés, pourchassés pendant l'occupation ou tout simplement écoeurés par la propagande antimaçonnique de Vichy, oqt perdu la foi et ne répondent pas aux sollicitations. Le Temple est vide et dégradé, tout a été déménagé, confisqué, perdu. Avec l'aide du Très Illustre Frère ROQUE, Inspecteur d'Académie à Périgueux, une longue série de démarches est entreprise pour obtenir l'indemnisation des spoliations subies. Il faut dire que l'administration remise en place à la Libération est encore tatonnante mais que de démarches pour ne rien obtenir!!! L'usage des locaux se discute avec le directeur du collège jusqu'au 1 Janvier 1948. Une circulaire du Grand Orient, datée du 4.06.55 et concernant les dommages de guerre démontre qu'à cette date rien n'est encore réglé... D'ailleurs rien ne sera jamais réglé.

LA REPRISE DES TRAVAUX

 Enfin, avec le temps et beaucoup de patience, l'atelier est mis en état de fonctionner. Certes le matériel de fortune n'est pas des plus fonctionnel, mais les Maçons ont un toit. Et c'est précisément ce toit qui pose un problème ; les finances sont au plus bas et pour le réparer il faut vendre les trois quarts du jardin au voisin, le Docteur CILLAIN. Le Vénérable PICHARDIE est un homme de caractère. A Ribérac c'est un personnage respecté, respecté pour son rôledans la Résistance mais aussi, confusément, comme représentant de la Maçonnerie. Cette Maçonnerie ribéracoise de l'après guerre est entre des mains fortes. Même si  les effectifs de "La Ruche des Patriotes"sont faibles, la rigueur dans l'application du règlement et dans le recrutement ne  laisse place à aucune concession. Cela ne facilite pas la croissance des effectifs. Le propre neveu du Vénérable est exclu pour défaut  d'assiduité. Un juge de paix de Ribérac, hésitant à se soumettre aux enquêtes réglementaires ne sera pas admis. A cette époque, les membres de la Loge sont géographiquement très dispersés: Aubeterre, Mareuil, St Aulaye, La Tour Blanche etc.. .Nouméa. En somme, très peu de Ribérac où les contacts sont délicats.C'est aussi une période où les déplacements sont difficiles : manque de véhicules, essence rationnée. Mais les Frères sont assidus
et travaillent avec coeur.Au cours de l'année 1958, le Vénérable décide qu'il est urgent de se trouver un successeur. En fait, il se sent vieux et fatigué. Son souci d'assurer la pérénité de la Loge lui fait refuser les fraternelles sollicitations dont il est l'objet pour conserver le ter Maillet. Il recommande lui-même, pour lui succéder, le Frère J. PAIN, un ancien du groupe BUGEAUD qu'il a initié à la Libération. Le scrutin d'Octobre 1958 confirme son choix.

LES JOURS SOMBRES

C'est la fin d'une période héroïque et difficile marquée de l'empreinte d'un maçon de grande qualité, aimé et respecté de tous. La succession est lourde. D'autant plus que les effectifs ont fondu. Les anciens disparaissent mais personne ne les remplace. Pourquoi ? Les Frères de "La Ruche des Patriotes" ont-ils été trop exigeants? Ont-ils eu peur de s'extérioriser? Toujours est-il que les années 1960 à 1970 sont difficiles. Une Loge sans apprentis est une Loge qui meurt. Onze Frères au Tableau 1, parfois obligés, l'hiver de tenir une réunion de famille faute du minimum de présents pour une tenue.. .C'est à cette époque qu'ils est très sérieusement envisagé de mettre la Loge en sommeil. Nos anciens ont construit leur Temple. La vétusté et les vicissitudes de la guerre de 1939-45 l'ont détérioré. Aucune indemnité n'a permis de le remettre en état. La faiblesse des ressources interdit de l'entretenir. Pourquoi ne pas en transmettre la propriété à la Société Civile Immobilière du Grand Orient de France? Mettre la Loge en sommeil! Désaisir la Société Civile au profit de la  SAIGOF! Décidément non ! Il n'est pas possible que la lumière qui éclaire le Temple s'éteigne à Ribérac. La Ruche des Patriotes a un nouveau combat à livrer et à gagner. Il faut le tenir à tout prix.

LE DEMARRAGE

La persévérance et la patience vont enfin payer. Un Jeune initié, puis un autre... le contact tant espéré avec la jeunesse est enfin établi. A nouveau les apprentis ornent la colonne du Nord. Le travail maçonnique sérieux reprend. La Ruche des Patriotes a gagné. L'Etoile Flamboyante ne s'éteindra pas. Le Temple, trop longtemps négligé est remis en état par des Frères qui redeviennent opératifs à cette occasion. Tout n'est pas parfait mais l'élan semble donné. Pour la première fois depuis la création de la Loge une conférence publique, donnée par le Grand Maître Serge BEHAR, permet à la Franc Maçonnerie de s'extérioriser à Ribérac. En 1977, le Vénérable J. PAIN est désigné à l'unanimité du Congrès de Toulouse pour la candidature au Conseil de l'Ordre. Premier membre de "La Ruche des Patriotes"à siéger au Conseil, il sera Premier Grand Maître adjoint en 1980 Chargé de la commission de la Laïcité, il pourra oeuvrer dans un domaine que les Frères de la Loge considèrent comme primordial dans la défense de l'idéal maçonnique, notamment en préparant les Assises Internationales de la Laïcité organisées au Palais des Congrès de Paris fin 1981. C'est aussi l'époque où les visiteurs des Loges voisines prennent l'habitude de venir participer à nos travaux. L'organisation des fêtes solsticiales communes aux loges de
Dordogne posait un sérieux problème. La peur d'un accident grave obligeait d'avoir recours aux Frères des Amis Persévérants et l'Etoile de Vésone Réunis qui mettaient leur temple à la disposition des Frères de la Ruche. En 1978, les travaux de consolidation permettent enfin de mettre les Frères de la Loge et leurs visiteurs à l'abri du danger.

LE CENTENAIRE DE LA LOGE

Les jeunes apprentis des années 1970-75 sont devenus des Maîtres confirmés. Le collège des officiers a pu se renouveler et se rajeunir. Des Frères de qualité tiennent les offices. Les Frères travaillent activement. Le temps est enfin venu pour le Vénérable de transmettre le ter Maillet à un jeune qui assure à la fois la pérénité et le renouveau de la Loge. Didier DELEZAY, 1er surveillant est élu Vénérable en1982. Il entreprend aussitôt de terminer la consolidation du temple et la rénovation des salles du rez de chaussée. En Loge, le travail est varié et de qualité. Outre des sujets envoyés à l'étude par le Convent, de nombreuses planches permettent d'animer des tenues régulières et bien fréquentées. L'effectif dépasse la quarantaine. La loge est vivante. En 1985, pour la 1°n fois depuis la guerre, la Ruche des Patriotes organise la Fête Solsticiale commune des loges de la Dordogne dans des locaux rénovés. C'est aussi l'année du centenaire de la création de la Ruche des Patriotes.

UNIVERSELLE, LIBERALE, TOLERANTE & JUSTE

Toute l'existence de la Loge de Ribérac a été le reflet des évènements politiques qui marquèrent la Troisième République, réalisant
le voeux émis au Convent de 1870 par le Frère DUHAMEL qui souhaitait "Que la Franc Maçonnerie soit l'école normale de la Démocratie." Lien idéal entre des hommes différents tant par leur appartenance à des classes sociales diverses que par leurs religions, toujours respectées, si elles sont tolérantes, la Franc Maçonnerie n'a pas failli à son devoir d'universalisme, de libéralisme, de tolérance et de justice. Les Frères de Ribérac toujours restés fidèles à ses principes.